Les Restos du Cœur palpitent face à la crise

3 juin 2021

A Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, l’aide alimentaire se poursuit depuis le début de la crise sanitaire. Afin qu’elle se déroule dans des conditions de sécurité optimales, toute l’organisation a été repensée.

C’est l’effervescence dans les vastes locaux des Restos du Cœur de Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, ce mardi matin. Chacun s’active, pour disposer ça et là les denrées alimentaires qui seront distribuées aux bénéficiaires dans l’après-midi. « Nous sommes entre 70 et 80 bénévoles à la belle saison, contre une centaine en hiver », indique Chantal, l’une des 3 responsables du centre, aux côtés d’Annie et Philippe. Des retraités majoritairement, mais aussi de jeunes mères privées d’emploi ou un groupe d’autistes qui, chaque mardi, accompagnés de deux encadrants, viennent donner un coup de main. Se sont joints à eux, l’hiver dernier, les footballeurs du FBBP. Le mardi, ils aidaient à la distribution.

Un tel déploiement de bonnes volontés n’a rien de surprenant, vu la notoriété de l’association fondée par Coluche en 1985. L’idée de l’humoriste, d’offrir des repas à des personnes démunies, fait aussitôt florès et les Restos du Cœur entament une fulgurante ascension. Au plan national, en 2019-2020, 875 000 personnes ont été accueillies dans les 1915 centres et 136,5 millions de repas distribués par 75 000 bénévoles.

Depuis, la mobilisation s’est intensifiée, crise sanitaire oblige. L’organisation a ainsi dû être repensée, en fonction des directives gouvernementales afin de lutter contre l’épidémie de Covid 19. « Pour recevoir le public sans risque de contamination, nous avons installé des tables à l’extérieur », se souvient Chantal. Dès lors, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, de longues files d’hommes et de femmes de tous âges se forment devant l’enceinte du bâtiment, les jours de distribution de paniers repas *. Mais face aux conditions climatiques hivernales si dures parfois, il a fallu réfléchir à d’autres modalités d’accueil, qui se ferait à l’intérieur des locaux. Une jauge de 10 personnes par tranche horaire est alors établie, chaque bénéficiaire choisissant son heure de venue. Le masque et la distanciation physique sont bien sûr de rigueur. Oublié l’accueil si chaleureux dans la salle d’entrée ! Chacun, auparavant, se voyait en effet offrir un café accompagné de petits gâteaux, qu’il dégustait au bar. Les personnes reçues avaient aussi accès à la bibliothèque, où toutes sortes de livres leur étaient proposés. Autant de dispositions propices à l’échange et la convivialité.

A présent, les bénéficiaires passent directement dans la deuxième salle et prélèvent sur les tables ce à quoi ils ont droit : un litre de lait par personne, un produit d’hygiène (savon, etc.) au choix, des pâtes et des conserves de viande, de poisson, végétariennes, suivant le régime alimentaire de chacun, et dont la quantité allouée varie selon le nombre de membres dans la famille. Les bébés, eux, reçoivent une aide spécifique jusqu’à l’âge de 18 mois. Quant aux fruits et légumes, ils sont disposés dans des cagettes par les bénévoles et remis ensuite à chaque personne. Là encore, il s’agit d’éviter tout risque de contamination par le virus. Protéger le public accueilli en cette période si particulière rejoint le souci qu’ont les Restos du Cœur de veiller au bon équilibre nutritionnel des familles.

Prétexte à des échanges, à l’écoute attentive de chacun, l’aide alimentaire est cependant subordonnée à l’obtention d’une carte d’inscription à l’association. Celle-ci est attribuée en fonction des ressources de chaque bénéficiaire, selon le barème national. « Le rôle de l’inscripteur n’est pas facile », précise Chantal. Il ne peut accorder de carte aux familles dont les revenus dépassent le seuil fixé et pourtant parfois très endettées. Néanmoins, elles repartent avec un colis le jour de leur visite.

Ces rencontres prennent tout leur sens en cette époque troublée. Non seulement elles permettent de nouer le dialogue et d’identifier les besoins du bénéficiaire, mais elles sont le trait-d’union entre les bénévoles eux-mêmes. « Il y a bien plus de partage, depuis le début de cette crise. Certains bénévoles, en manque de contacts, viennent plus souvent et les relations se font plus étroites entre tous », se réjouit Annie. Tout en se rappelant ce poignant épisode, entre mars et juin 2020, où les plus de 70 ans avaient été interdits de bénévolat. Heureusement, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. Depuis, la plupart d’entre eux sont revenus.

A voir l’enthousiasme avec lequel chacun, ce matin-là, remplit sa tâche, on devine qu’il règne une implication similaire dans tous les domaines où intervient l’association. Car les Restos du Cœur, ce n’est pas que l’aide alimentaire. Dans l’Ain, ils proposent aussi des ateliers de cuisine, de coiffure, de français, un accompagnement vers le retour à l’emploi, le montage de dossiers pour un accès au micro-crédit, des activités culturelles, de loisirs et sportives, des départs en vacances… Une fois par mois, à Bourg-en-Bresse, une avocate se rend disponible pour des conseils juridiques.

Un réel défi à la précarité, en hausse constante depuis le début de la crise sanitaire.

* les lundis, mardis, jeudis et vendredis en hiver et les mardis et jeudis le reste de l’année.

Les ressources des Restos du Cœur

Entreposée dans le stock, la nourriture provient de plusieurs sources : de l’association nationale et des départements, de la « ramasse » (des camions partent faire le tour des supermarchés, qui leur remettent des produits), des collectes, appelées « Chariots du Cœur », organisées là encore dans les supermarchés et enfin des entrepôts d’opportunité, qui livrent des palettes entières de dons des entreprises agro-alimentaires et de la grande distribution. Le centre doit obligatoirement les accepter dans leur totalité, même s’il ne s’agit, par exemple, que de produits cosmétiques et non de nourriture. L’Europe elle aussi participe, à travers le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD). Chantal explique que les produits cédés par l’Europe sont stockés à part, afin de pouvoir être contrôlés, le cas échéant. Les contrôles étant très stricts, ces produits sont soigneusement répertoriés. Pour compléter le tout, deux grandes chambres froides renferment la nourriture la plus fragile. Une organisation sans faille !